Église verte

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Enjeux écologiques et spirituels

 « Semez pour la justice, moissonnez pour la bonté, défrichez-vous un champ nouveau ! C’est le moment de rechercher l’Eternel, jusqu’à ce qu’il vienne et déverse pour vous la justice ». Osée 10,12

La Bible comporte de nombreuses références pastorales et agricoles pour exprimer la relation de paix que Dieu veut vivre avec son peuple, souvent comparé à une vigne prospère. Respecter les lois de Dieu, c’est s’assurer d’un avenir à espérer, à la façon d’un paysan qui se réjouit devant sa récolte abondante.  Le prophète Osée nous invite à cultiver notre champ de manière intelligente, en choisissant des bonnes semences qui porteront du fruit pour les générations à venir. Et votre champ à vous, comment pousse-t-il ?

Que l’on cultive son balcon, son jardin, ou une dizaine d’hectares, nous sommes tous consommateurs et donc tous concernés par l’avenir des terres qui nous nourrissent. Dieu nous a donné la terre pour que nous la gardions et la cultivions (Genèse 2) afin de pouvoir subvenir à nos besoins ainsi qu’à ceux de nombreuses autres espèces. En tant qu’intendants de la Création, nous devons nous soucier de la façon dont nous la cultivons et l’exploitons.


À savoir

La terre, notre Bien commun

La terre, source de ce que nous mangeons, lieu de vie, outil de production et substrat pour les écosystèmes, a une valeur inestimable. Les choix qui sont faits en termes d’orientations agricoles ne sont pas anodins et impactent directement la qualité des productions et donc de ce qui nous nourrit.

Le modèle de l’agriculture industrielle, hérité des deux guerres mondiales, est de plus en plus remis en question. En effet, ce modèle a largement contribué à la marginalisation des fermes diversifiées, de taille humaine, pourtant essentielles à la vitalité de nos campagnes. Les grandes cultures, perçues comme plus rentables, sont aujourd’hui encore privilégiées à l’agriculture paysanne. Parallèlement, l’usage intensif des produits phytosanitaires (pesticides, engrais chimiques, …)  détruit la vie qui se trouve dans nos sols et pollue nos ressources en eau.

Ressource limitée et non renouvelable, la terre arable est un bien rare, menacé par l’artificialisation et l’urbanisation (chaque année depuis 40 ans, près de 55 000 ha perdent leurs fonctions agricoles et environnementales en France, soit plus de cinq fois la surface de la ville de Paris, ou 17m² toutes les secondes) mais aussi par la spéculation financière et l’accaparement. De fait, la concurrence pour les terres disponibles s’accroît, les prix explosent, rendant le parcours des candidats qui souhaitent s’installer en agriculture de plus en plus compliqué.

Mobiliser les propriétaires institutionnels pour agir en faveur de la transition agro-écologique

Historiquement, l’Église et ses institutions ont toujours été de très grands propriétaires terriens. Comme d’autres propriétaires fonciers, elles sont aujourd’hui au croisement des chemins pour la préservation de la terre mais également son partage juste. Pourtant, c’est une donnée qui est souvent oubliée, aux dépens du patrimoine bâti.

Pour les paroisses, monastères, abbayes, congrégations, fondations propriétaires de terres agricoles, il s’agit de réinvestir le foncier, non pas juste comme une simple valeur rentière mais comme un levier d’action important pour la mise en œuvre de la transition agro-écologique. Orienter l’usage de son patrimoine foncier afin de préserver la terre, c’est participer activement à la lutte contre le réchauffement climatique et contre l’érosion de la biodiversité, tout en se donnant les capacités d’assurer une production alimentaire durable pour nos sociétés. La terre est la matrice qui rend possibles tous les projets et toutes les œuvres bonnes !

Le contrôle des structures et la régulation du marché foncier

En France, l’accès à l’utilisation des terres agricoles est contrôlé. Le contrôle des structures, encadré par le Code Rural et mis en œuvre à l’échelle régionale par le “Schéma Directeur Régional des Exploitations Agricoles”, vise à s’assurer que les fermes ne sont ni trop petites ni trop grandes en favorisant l’installation d’agriculteurs, consolidant les fermes existantes, promouvant les systèmes de production biologiques et maintenant une agriculture diversifiée. De fait, le propriétaire ne peut pas décider seul qui sera la personne qui utilisera ses terres et le candidat devra pouvoir justifier de compétences professionnelles dans le domaine (diplôme ou certificat agricole).

De même, l’achat et la vente de terres agricoles se font sur un marché régulé, confié à la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), sous tutelle des ministères de l’Agriculture et des Finances. Elle surveille les ventes de biens agricoles et peut intervenir pour orienter la vente de certains biens. Son intervention consiste à acheter les terres et à les revendre à la personne qu’elle choisit. A la différence d’un marchand de bien, la SAFER ne revend pas au plus offrant mais au projet le mieux disant selon les objectifs fixés par la loi. Elle intervient après avis d’un comité technique et validation des commissaires du gouvernement. Depuis 2014, la loi prévoit que la SAFER attribue prioritairement des terres certifiées bio à un projet en agriculture biologique.


Notre Église peut agir

Les questions agricoles peuvent faire peur, parce qu’elles semblent trop techniques, trop éloignées de nos réalités de plus en plus citadines, trop polémiques. Pourtant, la bonne nouvelle, c’est que nous pouvons tous agir à notre niveau. Voici quelques idées pour mettre la main à la pâte… ou les pieds dans les bottes !

La première étape peut sembler évidente : se renseigner sur son patrimoine ! Beaucoup de propriétaires ignorent les caractéristiques de leurs biens. Des outils existent pour y remédier :

  • Pour situer géographiquement vos terres : le site Géoportail, logiciel de cartographie public et gratuit qui donne accès aux plans et photos aériennes, aux numéros de parcelles et à leur surface, l’histoire agricole des parcelles, la présence d’espaces protégés…
  • Il est également possible de demander une matrice cadastrale aux impôts.
  • Pour se renseigner sur l’état d’exploitation des terrains, faire une requête à la MSA (mutuelle sociale agricole).
  • Pensez à vérifier si des baux ont bien été signés avec les agriculteurs et, si oui, de quelle nature, leur date d’échéance etc…
  • Si vos terres sont situées dans des zones à enjeu (eau, biodiversité…), renseignez-vous sur la possibilité d’intégrer des clauses environnementales dans le bail rural, à l’occasion d’un changement de preneur du bail (départ à la retraite p.e).

Ces éléments peuvent être le point de départ d’une réflexion pour la mise en place d’une stratégie de gestion éclairée qui soit en cohérence avec les valeurs portées par votre communauté.

Si vous êtes en difficulté pour trouver ces informations, n’hésitez pas à vous faire accompagner par vos interlocuteurs habituels dans la gestion de votre patrimoine.

En cas de vente d’un bien agricole, privilégier des projets qui maintiennent la vocation nourricière de la terre, en encourageant l’installation de porteurs de projets engagés pour le respect de l’environnement.

A l’occasion d’une sortie paroissiale ou d’une retraite de catéchumènes, une visite d’une ferme locale (préférablement pratiquant l’agriculture biologique, ayant des pratiques agroécologiques) peut être organisée. Rien de tel que d’aller aux champs pour réfléchir à ce qui termine dans notre assiette.

Profiter du Temps pour la Création pour organiser un temps de célébration qui intègre les enjeux agricoles (ex : culte des récoltes, habituel chez les protestants luthériens), et pourquoi pas inviter les agriculteurs locaux pour leur dire merci !

En ce qui concerne les jardins paroissiaux, on peut appliquer les mêmes principes que ceux de l’agriculture biologique :

  • Bannir l’usage de produits phytosanitaires
  • Pratiquer la rotation des cultures en veillant à ce qu’elles ne soient pas trop rapides et en intégrant les « engrais verts », qui régénèrent le sol et encouragent le stockage du carbone dans le sol (moutarde, trèfle, phacélie etc…)
  • Préserver de la tonte des zones enherbées pour que les insectes et les pollinisateurs puissent faire leur part !
  • Optimiser l’utilisation de l’eau (installation d’un récupérateur d’eau de pluie, arrosage modéré aux heures moins ensoleillées…)
  • Enrichir le sol grâce à l’apport de compost (voir la fiche n°6 : Compost paroissial)

L’accès à la terre étant aussi un enjeu de justice sociale, cela peut être l’occasion d’ouvrir le terrain paroissial à des projets qui associent les gens du quartier et les populations défavorisées.

Plus globalement, une réflexion peut être menée ensemble sur l’avenir du patrimoine de l’Église. Comment l’utiliser au mieux pour qu’il soit conforme aux valeurs évangéliques, en devenant source d’espérance et un témoignage du Royaume ?


Pour aller plus loin

Pour être accompagné sur les questions de foncier, on peut se tourner vers des associations comme Terre de Liens.

Terre de Liens est née en 2003 de la convergence de plusieurs mouvements associant l’éducation populaire, l’agriculture biologique et biodynamique, le développement local, la finance éthique et l’économie solidaire ainsi que le MJRC (Mouvement de Jeunesse Rurale Chrétienne). Depuis près de 20 ans, Terre de Liens s’est attachée à développer des solutions permettant à chacun de s’engager dans la préservation du foncier pour permettre l’installation d’activités agro-écologiques.

Elle est aujourd’hui reconnue experte sur les problématiques de maîtrise et d’usage du foncier agricole et la lutte contre la spéculation et la financiarisation des terres en France et en Europe. Elle accompagne notamment les propriétaires privés et publics sur la bonne gestion de leur patrimoine foncier tout en s’appuyant sur la mobilisation citoyenne. L’épargne citoyenne sur laquelle Terre de Liens s’appuie a permis l’achat de 250 fermes depuis sa création, soit 7 000 ha de terres agricoles préservées.

Les Chambres d’agriculture peuvent également accompagner un propriétaire sur le volet juridique de son projet, tandis que la SAFER peut l’accompagner dans la vente.

Plus d’informations sur :

Afin de pouvoir imaginer l’impact des choix agricoles sur sa parcelle, l’application PARCEL permet d’effectuer une simulation sur une commune ou une surface agricole de son choix. Elle permet d’évaluer les surfaces agricoles nécessaires pour se nourrir localement, le nombre d’emplois agricoles, et les impacts écologiques associés, en fonction du mode de production agricole et/ou du régime alimentaire.

Par exemple, un propriétaire qui dispose de 2 hectares (ha) de terres agricoles dans la Drôme peut projeter les impacts sociaux et environnementaux de différentes pratiques agricoles sur ses terres. Si ces 2 ha sont utilisés en maraîchage biologique, PARCEL estime que cela répond aux besoins alimentaires (en légumes) de 390 personnes.


Ils l’ont fait

Le monastère de Solan (30)

Photo et texte tirés du site : https://monastere-de-solan.com/content/19-le-domaine

Le monastère de la Protection de la Mère de Dieu (Solan) est un monastère orthodoxe féminin installé dans le Gard depuis 1992. Aujourd’hui, le monastère, qui a été accompagné par le paysan et penseur écologiste Pierre Rabhi, est devenu un exemple en matière d’agroécologie. Les sœurs cultivent elles-mêmes une douzaine d’hectares et commercialisent leurs produits : vin, vinaigre, pâte de fruit, confiture, conserves… Dès le départ, les sœurs se sont posé la question de faire des choix agricoles cohérents avec la vision chrétienne de l’être humain, placé par Dieu dans le monde non pas pour le dominer, à la recherche d’un profit sans limite, mais avec la fonction d’être comme le chef de chœur d’une création faite pour chanter la gloire de son Auteur.

Le domaine, constitué de 40 hectares de forêt et de 20 hectares de terres cultivables a permis le choix d’une polyculture biologique, certifiée par Ecocert.

Pour la vigne, un important travail, sur le terrain, a été réalisé par les sœurs pour déterminer des micro-parcelles de cépages correspondant à la juste nature du sol. Le processus de vinification s’adapte à chaque parcelle et cépage. La terre est enrichie, au besoin, par apport de fumier composté et d’engrais verts. Les méthodes de désherbage sont mécaniques. Pour lutter contre les maladies de la vigne, seuls sont utilisés le soufre et le cuivre, à doses contrôlées, toujours associés à des extraits de plantes (tisanes, purins…) ou à des roches broyées. Contre les maladies du bois, la vigne est ensemencée avec une souche de champignons antagonistes qui détruisent les nuisibles, sans attaquer le bois du cep.

La communauté cultive un jardin potager-vivrier de légumes et d’arbres fruitiers, jardin étudié à l’ancienne, pour l’autoconsommation des habitants de Solan. Des haies composites y ont été plantées en bordure, des terrasses ont été créées et l’eau vient du forage du monastère. Le jardin permet la réalisation du souhait de la communauté d’obtenir le maximum d’autonomie alimentaire, en protégeant la nature et sa biodiversité.

Les arbres fruitiers sont une production traditionnelle de la région du Nord du Gard, et, en s’installant sur la propriété, le Monastère a trouvé de nombreux cerisiers, abricotiers, figuiers, auxquels s’ajoute, dans la forêt, un petit hectare de très anciens châtaigniers (plantation estimée à plus de quatre cents ans). Les fruits sont récoltés et transformés en confitures. Pour renouveler les vergers, la communauté a planté des abricotiers bien adaptés au terrain et propres à la confiture et une trentaine de figuiers dans les zones faciles à irriguer. De nombreux cognassiers sont placés dans les haies fruitières, et un verger de fruits diversifiés complète cet éventail.

Une petite oliveraie d’une centaine d’arbres a été plantée en 2005-2006 destinée à la production d’huile et d’olives de table, destinées d’abord à l’autoconsommation puis à la vente.

Dès 1996, les Sœurs se sont attelées au travail de restauration des 40 hectares de bois et landes. Il s’agit principalement de transformer peu à peu le taillis vieillissant en futaie jardinée. Le but est de faire de la forêt de Solan une forêt nourricière (récoltes de châtaignes et de bois de chauffage), une forêt de protection (face à la sécheresse estivale et aux intempéries de l’automne, elle assure la protection des sols et un réel équilibre de la biomasse) et une forêt conservatoire (plusieurs espèces rares -faune et flore- ont été répertoriées dans la zone humide et la forêt fait partie du réseau Natura 2000).

Actuellement, la grande préoccupation est la chaleur très intense et la sécheresse. Les Sœurs recherchent activement des moyens d’adaptation aux changements climatiques avec des méthodes naturelles et respectueuses du vivant.

Parc du presbytère de la paroisse Saint-Marc de Colmar (68)

Sur le brun des andins, le vert tendre des jeunes pousses. Discrètes encore, en ce début de mois de mai, à la surface des dix parcelles réparties en deux rangs au fond de l’espace vert du presbytère Saint-Marc. Des courges pour la plupart, mais aussi quelques plants de tomates et bulbes de tulipes, en avance sur le reste. Le fruit de plusieurs mois d’efforts pour les jardiniers en charge de ces cultures, qui pourront bientôt penser à la récolte.

Baptisé « champ des possibles », ce projet de jardin partagé a germé au sein du conseil des quarante en 2019. Cette nouvelle instance du consistoire de Colmar est un groupe de réflexion élargi constitué de paroissiens volontaires et des conseillers presbytéraux. « Très vite, ce sont des préoccupations d’ordre écologique qui ont émergé des discussions, détaille la diacre Sylvie Michel, co-coordinatrice du projet. Nous avons voulu nous inscrire dans la démarche Église verte et nous cherchions une manière de valoriser notre parc. »

Le projet se veut cependant bien plus qu’une simple initiative écologique. Sept des dix parcelles ont été confiées à des familles en situation de précarité, dont certaines en demande d’asile, pour qu’elles puissent y cultiver leur potager. Toutes ont été contactées via le réseau associatif colmarien. Les trois autres parcelles sont réservées aux paroissiens engagés dans le projet. Mais des bénévoles passent parfois dispenser quelques bons conseils sans avoir leur propre lopin à cultiver.

En tout, une quinzaine de personnes se retrouve désormais une après-midi par mois pour jardiner collectivement. Parmi elle, Lucy Ramsès. « J’ai toujours aimé les plantes mais je n’ai jamais eu de jardin et je n’aurais pas su comment m’en occuper sans les bénévoles, explique-t-elle. On nous a fourni les pots, la terre et les graines et on nous a expliqué quand et comment les planter. » Sur le groupe WhatsApp dédié au projet, les participants échangent désormais des photos de leurs jeunes plants avec enthousiasme. « Ce jardin, c’est surtout une manière de cultiver du lien, appuie Sylvie Michel. Nous ne voulions pas nous contenter d’attribuer des parcelles, pour nous, c’était important de travailler la terre ensemble. »

Source : Anne Mellier pour le Nouveau Messager.


Autres ressources

 

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