Église verte

Voici le dernier article d’une série qui reprend les interventions de la formation « Gestion des terres agricoles » du 20 novembre 2023. Le diaporama support est ici.

Article précédent – Mise à disposition de terres agricoles

L’exemple du Châtelard par Sophie Janin

Sophie Janin fait partie d’un groupe bénévole qui épaule le centre spirituel jésuite du Châtelard en région lyonnaise, dont l’objectif est de devenir un éco-centre spirituel. (https://www.chatelard-sj.org)

Le centre spirituel jésuite du Châtelard, situé dans la banlieue ouest de Lyon (Rhône), propose des formations, des retraites et des stages, dispensés par des religieux et des laïques. Idéalement situé aux portes de Lyon, accessible en transport en communs et à la lisière de la campagne, c’est une grande bâtisse bourgeoise plantée au sommet d’une colline, sur un domaine de 35 hectares, dont 26 hectares de bois.

En 2022, la Province des Jésuites a confié au Châtelard la mission de devenir un éco-centre spirituel qui met en pratique les exhortations du Pape dans son encyclique Laudato Si’ ». Le projet a démarré en 2022 par une phase exploratoire pour définir les transformations qu’entraîne une conversion écologique profonde dans tous les domaines d’activité du Châtelard.

C’est dans ce contexte que s’est mis en place un questionnement sur la vocation des terres du domaine. En tant que bénévole, j’ai cherché à entrer en contact avec des porteurs de projets agricoles en recherche de foncier. J’ai contacté différents organismes et communiqué avec Terre de Liens à ce sujet. Nous avons finalement sélectionné Lucile, ingénieure agricole, ayant une expérience en fermes urbaines, et prête à s’installer pour créer une micro ferme maraîchère pédagogique sur un hectare seulement.

La forme juridique adoptée pour la mise à disposition des terres a été celle du prêt à usage gratuit. Il a été formalisé par un document. Il a été précisé que le prêt courait pour 9 ans, renouvelable par tacite reconduction tous les 3 ans. Si le Châtelard voulait mettre fin à ce prêt, il est tenu à un préavis de 18 mois.

Cette forme engage moins la congrégation religieuse que le bail agricole classique qui protège plus l’agriculteur, mais il a été rendu possible par la bonne volonté réciproque des deux partis qui ont fondé une relation de confiance. En effet, Lucile tenait à travailler en lien avec le Chatelard, en adhérant concrètement à la transformation du lieu, car sa vision de nourrir les hommes, prendre soin de la terre, et favoriser les rencontres pour partager les savoirs était en parfaite adéquation avec la vocation de l’Écocentre. Elle profite des démarches de l’Écocentre pour protéger la biodiversité (plantations de haies, refuge LPO, création de mares sur le domaine, projet de récupération des eaux de pluies pour son irrigation, aide de bénévoles pour certaines tâches, chantiers participatifs organisés par l’Écocentre).

En retour, elle présente son exploitation lors des portes ouvertes, accepte de figurer sur les panneaux de présentation des réalisations de l’Écocentre, pourra permettre à des stagiaires de retraites éco-spirituelles de mettre les mains dans la terre, etc.

Cette installation s’est clairement située sur le terrain d’une mutuelle bonne volonté d’entraide réciproque, parce que les parties prenantes ont senti être sur la même longueur d’onde. C’est pourquoi Lucile a accepté un bail plus précaire ; en retour, le Châtelard facilite autant qu’il le peut son installation.

En résumé, l’installation d’agriculteurs sur des terres de domaines religieux doit se faire dans un climat de confiance, de vision partagée du devenir de notre « maison commune », et d’une démarche donnant-donnant où chacun est conscient de l’intérêt d’une telle transaction. A noter que les congrégations religieuses ont une éthique, et que la période de transition qu’elles subissent ne va pas les pousser à faire du profit au dépends des autres. Les porteurs de projet agricole ont tout intérêt à s’engager avec de tels partenaires.

Quelques mots sur la récupération de terres occupées par un agriculteur sur le domaine du Châtelard

Depuis deux générations, un exploitant agricole occupait deux hectares de terres pour une plantation de sapins de Noël. Étant données nos nouvelles perspectives, et sachant que c’était une monoculture polluante (plusieurs traitements d’herbicides et de pesticides par an), cette activité devenait incompatible, d’autant plus que nous avions besoin de surfaces pour offrir des pâtures à un petit troupeau (venu du Carmel de la Paix de Mazille).

Cet agriculteur n’avait pas de bail, mais occupait les terres, et dans ce cas de figure, le rapport de force ne joue pas en faveur du propriétaire. La démarche a été menée avec souplesse par Xavier de Bénazé, SJ, porteur du projet de l’Écocentre, qui n’a rencontré aucune opposition de la part de l’agriculteur, qui ne tenait pas à prolonger son activité au Châtelard. Il a été entendu que dans un délai de trois ans les parcelles seraient libérées.

Il est important de rappeler que les pratiques agricoles se situent sur un temps long, et qu’ainsi le Châtelard a respecté cette nécessité.


Témoignage de Sophie Janin pour la formation « Gestion des terres agricoles » du 20 novembre 2023

 

Partager